Le cabinet Colombus Consulting en partenariat avec Cadschool a analysé la digitalisation des ONG en Suisse et publie une étude. Réalisée à partir d’un panel de plus de quarante ONG actives en Suisse, l’étude relève le virage digital bien engagé. Des axes d’amélioration possibles sont également identifiés pour servir leur visibilité et augmenter les collectes de fonds, nécessaires pour mener leurs actions :
- Renforcer la relation avec les donateurs, audience captive qui représente un réel patrimoine,
- Mettre en place des programmes relationnels plus ciblés pour un engagement et une expérience donateur plus aboutie,
- Développer leurs communautés avec le marketing d’influence.
L’enjeu primordial de la recherche de fonds se digitalise
Au cœur de la mission des ONG, le financement de leur activité est bien sûr clé, avec un besoin d’une certaine efficacité dans leur recherche de fonds. Historiquement, les donateurs sont sollicités lors de différentes opérations, et notamment via des actions de marketing direct et des envois tous ménages. Mais l’époque se veut aussi plus digitale pour les ONG en Suisse.
Pour développer les dons en ligne, celles-ci proposent par exemple des nouveaux de paiement comme Twint, disponible pour 85% du panel, Paypal disponible pour 49% du panel. « Seules 5% des ONG du panel proposent un paiement en crypto monnaie, alors que cela permettrait sans doute de rajeunir les donateurs » précise Pierre Berendes, formateur chez CAD school et consultant chez Colombus Consulting.
Les ONG utilisent également les leviers payants (recherche, display, réseaux sociaux), mais les investissements restent encore timides pour un total de 1,4 million de francs par an et pour l’ensemble des acteurs du panel. Même si les ONG profitent largement du programme Google Ad grants qui permet de diffuser gratuitement certaines annonces en référencement payant, la part des canaux payants reste faible (7 %), en regard d’autres secteurs pour une audience équivalente.
Le digital, meilleur allié pour les situations d’urgence
Les situations d’urgence nécessitent par nature une certaine rapidité pour mobiliser les ressources, notamment financières. De ce point de vue, le digital est devenu le meilleur allié des ONG pour des dons rapides et ciblés. Parmi les exemples récents, on relève celui du conflit ukrainien : un jour après l’attaque de la Russie contre l’Ukraine, la Croix-Rouge suisse lançait une vaste collecte de fonds en ligne (qui sera ensuite étendue à d’autres canaux tels que la radio, la presse écrite et le téléphone). À peine trois jours plus tard, plus de 600’000 francs de dons avaient déjà été reçus, pour culminer à un record de 11,1 millions de revenus en ligne en fin d’opération. Une opération primée par le jury du Swissfundraising.
Le crowdfunding est devenu un classique en quelques années seulement
Le crowdfunding est désormais une méthode traditionnelle de collecte de fonds qui a prouvé son efficacité. Elle est activement utilisée par plus de 20% des ONG du panel. Les ONG testent la quarantaine de plateformes existantes (Kickstarter, Funders, Crowdify, etc.) afin d’attirer différents donateurs et de déterminer lesquelles sont les plus efficaces, même si les frais peuvent dépasser les 10% chez certains acteurs.
Le rôle croissant des réseaux sociaux
Les ONG ont embrassé les codes des réseaux sociaux rapidement, en cumulant près d’un million d’abonnés en Suisse sur l’ensemble des plateformes (Instagram, Facebook, LinkedIn, Twitter, Youtube). Cependant, elles sont en retard sur TikTok, avec seulement 5 acteurs sur 42 ayant un compte réellement actif et dédié à la Suisse : WWF, Pro Juventute, La Fondation Theodora, Terre des Hommes et l’Armée du Salut. Ces derniers cumulent un peu plus de
40 000 abonnés, signe d’un potentiel inachevé. Avec plus d’un million d’utilisateurs en Suisse, TikTok représente ainsi un outil idéal pour toucher les jeunes. Les comptes internationaux d’acteurs comme WWF ou Pro Juventude sont des bons exemples à suivre sur ce réseau, avec certaines vidéos très populaires de plus d’1 million de vues.
Des ambassadeurs aux influenceurs, le chemin n’est pas encore tracé
Si les ONG s’appuient depuis des années sur la notoriété d’ambassadeurs pour mettre en avant leur cause et activités, elles restent encore très discrètes en matière de collaboration avec des influenceurs sur les réseaux sociaux. « Elles se privent d’un relais de communication organique et d’une opportunité d’élargir leur audience » précise Pierre Berendes. On relève quelques collaborations harmonieuses entre la Croix Rouge Suisse et l’athlète suisse Mujinga Kambundji ou bien encore entre Médecins sans frontières (MSF) et Muse qui a donné un concert à Zurich en mai 2022 pour lever des fonds.
Des nouveaux relais entre gaming et NFT
La communauté du Gaming est généreuse : en 2021, plus de 100 millions de dollars ont été levés sur Twitch avec Tiltify. MSF a par exemple pu bénéficier de 1,8 million de dollars au moment de la guerre en Ukraine. Les fonds ont été collectés par le studio de jeu vidéo chinois Riot Games via des achats in-game et des skins spéciaux sur différents titres de son catalogue.
Les NFT sont aussi un outil intéressant pour la levée de fond : à l’occasion des 20 ans de son Gala, la Croix Rouge Suisse a édité plusieurs NFT qui lui ont permis de lever des fonds. Mais le succès n’est pas toujours au rendez-vous : le WWF a dû annuler sa vente de NFT organisée début 2022 par sa filiale anglaise, après avoir subi un bad buzz sur l’utilisation d’une crypto-monnaie peu respectueuse de l’environnement (Ethereum)… pour justement promouvoir une opération de sauvegarde des espèces animales. Enfin, aucune initiative n’a encore été menée autour du métavers ou de la réalité virtuelle. Le terrain est-il jugé trop risqué ? Les ONG semblent garder un positionnement conservateur sur certaines innovations.
Le digital pour rendre aussi les ONG plus efficace dans leur fonctionnement
Les ratios de frais de collecte et de fonctionnement sont largement scrutés par les donateurs pour s’assurer que la grande majorité des dons est allouée aux programmes ou opérations. Le digital a également un rôle clé à jouer pour réduire ces coûts, pour les activités de recherche de fonds comme sur les projets de digitalisation qui visent également à améliorer la gestion des programmes et des finances des ONG.
« Les ONG ont bien compris cet intérêt, et les projets de transformation digitale sont nombreux dans le secteur, et conduisent aussi à une remise en question plus large des méthodes de travail. » conclut Jean Meneveau, directeur chez Colombus Consulting
Digital Index : la performance numérique globale du secteur
Colombus Consulting présente ci-dessous son index digital, qui mesure la performance numérique des ONG sur la base de 50 indicateurs répartis en trois domaines : Web, Médias digitaux et Social.
Méthodologie
Cette étude a été élaborée à partir de mesures réalisées au 3ème trimestre 2022 sur un panel de 40 acteurs majeurs du secteur des ONG en Suisse.
L’index digital permet de mesurer la présence et la performance digitale à 360° des acteurs selon plus de 50 indicateurs :
- Site Web : audience, performance (rebond, temps de visite et chargement), Expérience client (design, contenus et fonctions)
- Médias digitaux : référencement, display, email, réseaux sociaux, et partenaires
- Réseaux sociaux : Instagram, Linkedin, Facebook, Youtube, Twitter.
Solutions utilisées :
Nous avons utilisé différents outils de collecte du marché, et avons retravaillé l’ensemble des données sous forme d’index permettant un benchmark simple et visuel du secteur. Les solutions choisies sont: SimilarWeb, Semrush, Built with, Google